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DES ALIMENTS.

mais, arrivé chez lui, M. S*** fut saisi de violentes coliques d’estomac, avec des envies de vomir, une toux convulsive et un malaise général.

Cet état dura quelque temps et donnait de l’inquiétude ; on criait déjà à l’indigestion de truffes, quand la nature vint au secours du patient. M. S*** ouvrit sa large bouche, et éructa violemment un seul fragment de truffes qui alla frapper la tapisserie, et rebondit avec force, non sans danger pour ceux qui lui donnaient des soins.

Au même instant tous les symptômes fâcheux cessèrent, la tranquillité reparut, la digestion reprit son cours, le malade s’endormit, et se réveilla le lendemain dispos et tout à fait sans rancune.

La cause du mal fut bientôt connue. M. S*** mange depuis longtemps ; ses dents n’ont pas pu soutenir le travail qu’il leur a imposé ; plusieurs de ces précieux osselets ont émigré, et les autres ne conservent pas la coïncidence désirable.

Dans cet état de choses, une truffe avait échappé à la mastication, et s’était, presque entière, précipitée dans l’abîme ; l’action de la digestion l’avait portée vers le pylore, où elle s’était momentanément engagée : c’est cet engagement mécanique qui avait causé le mal, comme l’expulsion en fut le remède.

Ainsi il n’y eut jamais indigestion, mais seulement supposition d’un corps étranger.

C’est ce qui fut décidé par le comité consultatif qui vit la pièce de conviction, et qui voulu bien m’agréer pour rapporteur.

M. S*** n’en est pas, pour cela, resté moins fidèlement attaché à la truffe ; il l’aborde toujours avec la même audace ; mais il a soin de la mâcher avec plus de précision, de l’avaler avec plus de prudence ; et il remercie