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DES ALIMENTS.

piment, l’anis, le gingembre, l’aciole et autres, dont on a successivement fait l’essai.

Le cacaoyer est indigène de l’Amérique méridionale ; on le trouve également dans les îles et sur le continuent : mais on convient maintenant que les arbres qui donnent le meilleur fruit sont ceux qui croissent sur les bords du Maracaïbo, dans les vallées de Caracas et dans la riche province de Sokomusco. L’amande y est plus grosse, le sucre moins acerbe et l’arome plus exalté. Depuis que ces pays sont devenus plus accessibles, la comparaison a pu se faire tous les jours, et les palais exercés ne s’y trompent plus.

Les dames espagnoles du nouveau monde aiment le chocolat jusqu’à la fureur, au point que, non contentes d’en prendre plusieurs fois par jour, elles s’en font quelquefois apporter à l’église. Cette sensualité leur a souvent attiré la censure des évêques ; mais ils ont fini par fermer les yeux, et le révérend père Escobar, dont la métaphysique fut aussi subtile que sa morale était accommodante, déclara formellement que le chocolat à l’eau ne rompait pas le jeûne, étirant ainsi, en faveur de ses pénitentes, l’ancien adage : Liquidum non frangit jejunium.

Le chocolat fut apporté en Espagne vers le dix-septième siècle, et l’usage en devint promptement populaire, par le goût très-prononcé que marquèrent, pour cette boisson aromatique, les femmes et surtout les moines. Les mœurs n’ont point changé à cet égard ; et encore aujourd’hui, dans toute la Péninsule, on présente du chocolat dans toutes les occasions où il est de la politesse d’offrir quelques rafraîchissements.

Le chocolat passa les monts avec Anne d’Autriche, fille de Philippe II et épouse de Louis XIII. Les moines espagnols le firent aussi connaître par les cadeaux qu’ils