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trouve dans un petit nombre d’arpents de terre les cailles qui, un mois auparavant, étaient disséminées dans toute une commune, et que, la saison étant sur sa fin, elles sont grosses et grasses à satisfaction.

C’est dans ce but que je me trouvais un jour avec quelques amis sur une montagne de l’arrondissement de Nantua, dans le canton connu sous le nom de Plan d’Hotonne, et nous étions sur le point de commencer la chasse, par un des plus beaux jours du mois de septembre et sous l’influence d’un soleil brillant inconnu aux cockneys[1].

Mais, pendant que nous déjeunions, il s’éleva un veut du nord extrêmement violent et bien contraire à nos plaisirs ; ce qui ne nous empêcha pas de nous mettre en campagne.

À peine avions-nous chassé un quart d’heure, que le plus douillet de la troupe commença à dire qu’il avait soif ; sur quoi on l’aurait sans doute plaisanté, si chacun de nous n’avait pas aussi éprouvé le même besoin.

Nous bûmes tous, car l’âne cantinier nous suivait ; mais le soulagement ne fut pas long. La soif ne tarda pas à reparaître avec une telle intensité, que quelques-uns se croyaient malades, d’autres prêts à le devenir, et on parlait de s’en retourner, ce qui nous aurait fait un voyage de dix lieues en pure perte.

J’avais eu le temps de recueillir mes idées, et j’avais découvert la raison de cette soif extraordinaire. Je rassemblai donc les camarades, et je leur dis que nous étions sous l’influence de quatre causes qui se réunissaient pour nous altérer : la diminution notable de la colonne qui pesait sur notre corps, qui devait rendre

  1. C’est le nom par lequel on désigne les habitants de Londres qui n’en sont pas sortis ; il équivaut à celui de badauds.