Page:Physiologie du gout, ou meditations de gastronomie transcendante; ouvrage théorique, historique, et à l'ordre du jour, dédié aux gastronomes Parisiens (IA b21525699).pdf/145

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la circulation plus rapide ; l’action du soleil qui nous échauffait directement ; la marche qui activait la respiration, et, plus que tout cela, l’action du vent, qui, nous perçant à jour, enlevait le produit de cette transpiration, soutirait le fluide, et empêchait toute moiteur de la peau.

J’ajoutai que, sur le tout, il n’y avait aucun danger ; que l’ennemi étant connu, il fallait le combattre : et il demeura arrêté qu’on boirait à chaque demi-heure.

La précaution ne fut cependant qu’insuffisante, cette soif était invincible : ni le vin, ni l’eau-de-vie, ni le vin mêlé d’eau, ni l’eau mêlée d’eau-de-vie, n’y purent rien. Nous avions soif même en buvant, et nous fûmes mal à notre aise toute la journée.

Cette journée finit cependant comme une autre : le propriétaire du domaine de Latour nous donna l’hospitalité, en joignant nos provisions aux siennes.

Nous dinâmes à merveille, et bientôt nous allâmes nous enterrer dans le foin pour y jouir d’un sommeil délicieux.

Le lendemain ma théorie reçut la sanction de l’expérience. Le vent tomba tout à fait pendant la nuit ; et quoique le soleil fût aussi beau et même plus chaud que la veille, nous chassâmes encore une partie de la journée sans éprouver une soif incommode.

Mais le plus grand mal était fait : nos cantines, quoique remplies avec une sage prévoyance, n’avaient pu résister aux charges réitérées que nous avions faites sur elles ; ce n’était plus que des corps sans âme, et nous tombâmes dans les futailles des cabaretiers.

Il fallut bien s’y résoudre, mais ce ne fut pas sans murmurer ; et j’adressai au vent dessiccateur une allocution pleine d’invectives, quand je vis qu’un mets digne de la table des rois, un plat d’épinards à la graisse