Page:Physiologie du gout, ou meditations de gastronomie transcendante; ouvrage théorique, historique, et à l'ordre du jour, dédié aux gastronomes Parisiens (IA b21525699).pdf/213

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d’hommes qui, après avoir très-bien diné, et quelquefois pour avoir trop bien diné, n’ont pas su fermer les yeux et se boucher les oreilles.

Cette observation contient un avis, même pour la jeunesse, qui ne regarde à rien ; un conseil pour les hommes faits, qui oublient que le temps ne s’arrête jamais ; et une loi pénale pour ceux qui sont du mauvais côté de cinquante ans (on the wrong side fifty).

Quelques personnes ont de l’humeur pendant tout le temps qu’elles digèrent ; ce n’est le temps alors ni de leur présenter des projets, ni de leur demander des grâces.

De ce nombre était spécialement le maréchal Augereau ; pendant la première heure après son dîner, il tuait tout, amis et ennemis.

Je lui ai entendu dire un jour qu’il y avait dans l’armée deux personnes que le général en chef était toujours maître de faire fusiller, savoir : le commissaire ordonnateur en chef et le chef de son état-major. Ils étaient présents l’un et l’autre ; le général Chérin répondit en câlinant, mais avec esprit ; l’ordonnateur ne répondit rien, mais il n’en pensa probablement pas moins.

J’étais à cette époque attaché à son état-major, et mon couvert était toujours mis à sa table ; mais j’y venais rarement, par la crainte de ces bourrasques périodiques : j’avais peur que, sur un mot, il ne m’envoyât digérer en prison.

Je l’ai souvent rencontré depuis à Paris ; et comme il me témoignait obligeamment le regret de ne m’avoir pas vu plus souvent, je ne lui en dissimulai point la cause ; nous en rîmes ensemble ; mais il avoua presque que je n’avais pas eu tout à fait tort.

Nous étions alors à Offenbourg, et on se plaignait à