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chanson nouvelle ; on parlait politique, littérature, spectacles, et surtout on faisait l’amour.

Voyons maintenant ce qu’on faisait les jours de jeûne…

On faisait maigre, ou ne déjeunait point, et par cela même on avait plus d’appétit qu’à l’ordinaire.

L’heure venue, on dînait tant qu’on pouvait : mais le poisson et les légumes passent vite ; avant cinq heures on mourait de faim ; on regardait sa montre, on attendait, et on enrageait tout en faisant son salut.

Vers huit heures, on trouvait, non un bon souper, mais la collation, mot venu du cloître, parce que, vers la fin du jour, les moines s’assemblaient pour faire des conférences sur les Pères de l’Église, après quoi ou leur permettait un verre de vin.

À la collation, on ne pouvait servir ni beurre, ni œufs, ni rien de ce qui avait eu vie. Il fallait donc se contenter de salade, de confitures, de fruits : mets hélas ! bien peu consistants, si on les compare aux appétits qu’on avait en ce temps-là ; mais on prenait patience pour l’amour du ciel, on allait se coucher, et, tout le long du carême on recommençait.

Quant à ceux qui faisaient les petits soupers dont j’ai fait mention, on m’a assuré qu’ils ne jeûnaient pas et n’ont jamais jeûne,

Le chef d’œuvre de la cuisine de ces temps anciens était une collation rigoureusement apostolique, et qui cependant eût l’air d’un bon souper.

La science était venue à bout de résoudre ce problème au moyen de la tolérance du poisson au bleu, des coulis de racines et de la pâtisserie à l’huile.

L’observation exacte du carême donnait lieu à un plaisir qui nous est inconnu, celui de se décarémer en déjeunant le jour de Pâques.