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Page:Physiologie du gout, ou meditations de gastronomie transcendante; ouvrage théorique, historique, et à l'ordre du jour, dédié aux gastronomes Parisiens (IA b21525699).pdf/285

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tudes, on l’a toujours trouvé armé d’arcs et de flèches. Cette uniformité est difficile à expliquer. On ne voit pas comment la même série d’idées s’est présentée à des individus soumis à des circonstances si différentes ; elle doit provenir d’une cause qui s’est cachée derrière le rideau des âges.

La chair crue n’a qu’un inconvénient, c’est de s’attacher aux dents par sa viscosité ; à cela près, elle n’est point désagréable au goût. Assaisonnée d’un peu de sel, elle se digère très-bien, et doit être plus nourrissante que toute autre.

« Mein God, me disait, en 1815, un capitaine de Croates à qui je donnais à dîner, il ne faut pas tant d’apprêts pour faire bonne chère. Quand nous sommes en campagne et que nous avons faim, nous abattons la première bête qui nous tombe sous la main ; nous en coupons un morceau bien charnu, nous le saupoudrons d’un peu de sel, que nous avons toujours dans la sabre-tasche[1] ; nous le mettons sous la selle, sur le dos du cheval ; nous donnons un temps de galop, et (faisant le mouvement d’un homme qui déchire à belles dents) gnian, gnian, gnian, nous nous régalons comme des princes. »

Quand les chasseurs du Dauphiné vont à la chasse dans le mois de septembre, ils sont également pourvus de poivre et de sel. S’ils tuent un becfigue de haute graisse, ils le plument, l’assaisonnent, le portent quelque temps sur leur chapeau et le mangent. Ils assurent que cet oiseau ainsi traité est encore meilleur que rôti.

D’ailleurs, si nos trisaïeux mangeaient leurs aliments

  1. La sabre-tasche, ou poche de sabre, est cette espèce de sac écussonné qui est suspendu au baudrier d’où pend le sabre des troupes légères ; elle joue un grand rôle dans les contes que les soldats font entre eux.