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MÉDITATION XXVI.

C’était là le grand et même le gigantesque de l’art du cuisinier ; mais bientôt des réunions moins nombreuses et des repas plus fins exigèrent une attention plus raisonnée et des soins plus minutieux.

Ce fut au petit couvert, dans le salon des favorites, et aux soupers fins des courtisans et des financiers, que les artistes firent admirer leur savoir, et, animés d’une louable émulation, cherchèrent à se surpasser les uns les autres.

Sur la fin de ce règne, le nom des cuisiniers les plus fameux était presque toujours annexé à celui de leurs patrons : ces derniers en tiraient vanité. Ces deux mérites s’unissaient ; et les noms les plus glorieux figurèrent dans les livres de cuisine à côté des préparations qu’ils avaient protégées, inventées ou mises au monde.

Cet amalgame a cessé de nos jours : nous ne sommes pas moins gourmands que nos ancêtres, et bien au contraire ; mais nous nous inquiétons beaucoup moins du nom de celui qui règne dans les souterrains. L’applaudissement par inclination de l’oreille gauche est le seul tribut d’admiration que nous accordons à l’artiste qui nous, enchante ; et les restaurateurs, c’est-à-dire les cuisiniers du public, sont les seuls qui obtiennent une estime nominale qui les place promptement au rang des grands capitalistes. Utile dulci.

Ce fut pour Louis XIV qu’on apporta des Échelles du Levant l’épine d’été, qu’il appelait la bonne poire ; et c’est à sa vieillesse que nous devons les liqueurs.

Ce prince éprouvait quelquefois de la faiblesse, et cette difficulté de vivre qui se manifeste souvent après l’âge de soixante ans ; on unit l’eau-de-vie au sucre et aux parfums, pour lui en faire des potions qu’on appelait, suivant l’usage du temps, potions cordiales. Telle est l’origine de l’art du liquoriste.