Page:Physiologie du gout, ou meditations de gastronomie transcendante; ouvrage théorique, historique, et à l'ordre du jour, dédié aux gastronomes Parisiens (IA b21525699).pdf/340

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dôme pour des convives des deux sexes. Tous les arts ont concouru à l’ornement de ces tables solennelles ; rien de si élégant ne parut jamais dans le palais des rois.

Les prêtres arrivent d’un pas grave et d’un air préparé ; ils sont vêtus d’une tunique blanche de laine de cachemire, une broderie incarnat en orne les bords, et une ceinture de même couleur en ramasse les plis ; leur physionomie annonce la santé et la bienveillance ; ils s’asseyent après s’être réciproquement salués.

Déjà des serviteurs, vêtus de fin lin, ont placé les mets devant eux : ce ne sont point des préparations communes faites pour apaiser des besoins vulgaires ; rien n’est servi sur cette table auguste qui n’en ait été jugé digne, et qui ne tienne à la sphère transcendante, tant par le choix de la matière que par la profondeur du travail.

Les vénérables consommateurs sont au-dessus de leurs fonctions : leur conversation paisible et substantielle roule sur les merveilles de la création et la puissance de l’art ; ils mangent avec lenteur et savourent avec énergie ; le mouvement imprimé à leur mâchoire a quelque chose de moelleux ; on dirait que chaque coup de dent a un accent particulier, et s’il leur arrive de promener la langue sur leurs lèvres vernissées, l’auteur des mets en consommation en acquiert une gloire immortelle.

Les boissons, qui se succèdent par intervalles, sont dignes de ce banquet ; elles sont versées par douze jeunes filles choisies, pour ce jour seulement, par un comité de peintres et de sculpteurs ; elles sont vêtues à l’athénienne, costume heureux qui favorise la beauté sans alarmer la pudeur.

Les prêtres de la déesse n’affectent point de détour-