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Page:Physiologie du gout, ou meditations de gastronomie transcendante; ouvrage théorique, historique, et à l'ordre du jour, dédié aux gastronomes Parisiens (IA b21525699).pdf/359

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IV
les ablutions.

J’ai écrit que le vomitoire des Romains répugnait à la délicatesse de nos mœurs ; j’ai peur d’avoir en cela commis une imprudence et d’être obligé de chanter la palinodie.

Je m’explique :

Il y a à peu près quarante ans que quelques personnes de la haute société, presque toujours des dames, avaient coutume de se rincer la bouche après le repas.

À cet effet, au moment où elles quittaient la table, elles tournaient le dos à la compagnie ; un laquais leur présentait un verre d’eau ; elles en prenaient une gorgée qu’elles rejetaient bien vite dans la soucoupe ; le valet emportait le tout ; et l’opération était à peu près inaperçue par la manière dont elle se faisait.

Nous avons changé tout cela.

Dans la maison où l’on se pique des plus beaux usages, des domestiques, vers la fin du dessert, distribuent aux convives des bowls pleins d’eau froide, au milieu desquels se trouve un gobelet d’eau chaude. Là, en présence les uns des autres, on plonge les doigts dans l’eau froide, pour avoir l’air de les laver, et on avale l’eau chaude, dont on se gargarise avec bruit, et qu’on vomit dans le gobelet ou dans le bowl.

Je ne suis pas le seul qui se soit élevé contre cette innovation, également inutile, indécente et dégoûtante.

Inutile ; car chez tous ceux qui savent manger, la bouche est propre à la fin du repas ; elle s’est nettoyée soit par le fruit, soit par les derniers verres qu’on a coutume de boire au dessert. Quant aux mains, on ne