Page:Physiologie du gout, ou meditations de gastronomie transcendante; ouvrage théorique, historique, et à l'ordre du jour, dédié aux gastronomes Parisiens (IA b21525699).pdf/363

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étonné de voir que c’était une note de médicaments fournis : de sorte que ce n’était point en ma qualité de poëte que j’étais requis, mais comme pharmaconome.

« Ma foi, mon ami, lui dis-je en lui rendant sa propriété, vous connaissez l’habitude de la corporation que vous avez mise en œuvre ; les limites ont bien été peut-être un peu outre-passées ; mais pourquoi avez-vous un habit brodé, trois ordres, un chapeau à graine d’épinards ? Voilà trois circonstances aggravantes, et vous vous en tirerez mal. — Taisez-vous donc, me dit-il avec humeur, cet état est épouvantable. Au reste, vous allez voir mon écorcheur, je l’ai fait appeler ; il va venir, et vous me soutiendrez. »

Il parlait encore quand la porte s’ouvrit, et nous vîmes entrer un homme d’environ cinquante-cinq ans, vêtu avec soin ; il avait la taille haute, la démarche grave, et toute sa physionomie aurait eu une teinte uniforme de sévérité, si le rapport de sa bouche à ses yeux n’y avait pas introduit quelque chose de sardonique.

Il s’approcha de la cheminée, refusa de s’asseoir, et je fus témoin auditeur du dialogue suivant, que j’ai fidèlement retenu :

Le général. — Monsieur, la note que vous m’avez envoyée est un véritable compte d’apothicaire, et…

L’homme noir. — Monsieur, je ne suis point apothicaire.

Le général. — Et qu’êtes-vous donc, monsieur ?

L’homme noir. — Monsieur, je suis pharmacien.

Le général. — Eh bien, monsieur le pharmacien, votre garçon a dû vous dire…

L’homme noir. — Monsieur, je n’ai point de garçon.

Le général. — Qu’était donc ce jeune homme ?

L’homme noir. — Monsieur, c’est un élève.