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Ils se séparèrent tard, et mes mémoires secrets ne vont pas plus loin pour ce jour-là. Mais à la conférence suivante, quand les convives se revirent, ils étaient honteux de ce qu’ils avaient dit, se demandaient excuse de ce qu’ils s’étaient reproché, et finirent par attribuer le tout à l’influence du plat d’anguille, de sorte que, tout en avouant qu’il était délicieux, cependant ils convinrent qu’il ne serait pas prudent de mettre le savoir de madame Briguet à une seconde épreuve.

J’ai cherché vainement à m’assurer de la nature du condiment qui avait produit de si merveilleux effets, d’autant qu’on ne s’était pas plaint qu’il fût d’une nature dangereuse ou corrosive.

L’artiste avouait bien un coulis d’écrevisses fortement pimenté ; mais je regarde comme certain qu’elle ne disait pas tout.

VII
l’asperge.

On vint dire un jour à monseigneur Courtois de Quincey, évêque de Belley, qu’une asperge d’une grosseur merveilleuse pointait dans un des carrés de son jardin potager.

À l’instant, toute la société se transporta sur les lieux pour vérifier le fait ; car dans les palais épiscopaux aussi, on est charmé d’avoir quelque chose à faire.

La nouvelle ne se trouva ni fausse ni exagérée. La plante avait percé la terre, et paraissait déjà au-dessus du sol ; la tête en était arrondie, vernissée, diaprée, et promettait une colonne plus que de pleine main.

On se récria sur ce phénomène d’horticulture : on convint qu’à monseigneur seul appartenait le droit de