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XIII
industrie gastronomique des émigrés.
Toute Française, à ce que j’imagine,
Sait, bien ou mal, faire un peu de cuisine.
Belle Arsène, acte III.

J’ai exposé dans un chapitre précédent les avantages immenses que la France a tirés de la gourmandise dans les circonstances de 1815. Cette propension si générale n’a pas été moins utile aux émigrés ; et ceux d’entre eux qui avaient quelques talents pour l’art alimentaire en ont tiré de précieux secours.

En passant à Boston, j’appris au restaurateur Julien[1] à faire des œufs brouillés au fromage. Ce mets, nouveau pour les Américains, fit tellement fureur, qu’il se crut obligé de me remercier en m’envoyant, à New-York, le derrière d’un de ces jolis petits chevreuils qu’on tire en hiver du Canada, et qui fut trouvé exquis par le comité choisi que je convoquai en cette occasion.

Le capitaine Collet gagna aussi beaucoup d’argent à New-York, en 1794 et 1795, en faisant pour les habitants de cette ville commerçante des glaces et des sorbets.

Les femmes surtout ne se lassaient pas d’un plaisir si nouveau pour elles ; rien n’était plus amusant que de voir les

  1. Julien florissait en 1794. C’était un habile garçon qui avait, disait-il, été cuisinier de l’archevêque de Bordeaux. Il a dû faire une grande fortune, si Dieu lui a prêté vie.