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Page:Physiologie du gout, ou meditations de gastronomie transcendante; ouvrage théorique, historique, et à l'ordre du jour, dédié aux gastronomes Parisiens (IA b21525699).pdf/392

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pouvait espérer de rentrer en France. Il ne tarda pas à y éprouver quelques-uns de ces désagréments qu’y ont quelquefois rencontrés ceux qui n’avaient d’autres titres que leur zèle pour la cause royale ; et plus tard on lui fit un passe-droit, ou quelque chose de pareil, qui lui parut d’une injustice criante.

Alors le discours du tisserand lui revint dans la mémoire ; il y rêva quelque temps, et ayant pris son parti, quitta l’armée, revint à Mondon, et se présenta au tisserand, en le priant de le recevoir comme apprenti.

« Je ne laisserai pas échapper cette occasion de faire une bonne action, dit le vieillard ; vous mangerez avec moi ; je ne sais qu’une chose, je vous l’apprendrai ; je n’ai qu’un lit, vous le partagerez ; vous travaillerez ainsi pendant un an, et au bout de ce temps vous travaillerez à votre compte, et vous vivrez heureux dans un pays où le travail est honoré et provoqué. »

Dès le lendemain, l’officier se mit à l’ouvrage, et y réussit si bien, qu’au bout de six mois son maître lui déclara qu’il n’avait plus rien à lui apprendre, qu’il se regardait comme payé des soins qu’il lui avait donnés, et que désormais tout ce qu’il ferait tournerait à son profit particulier.

Quand je passai à Mondon, le nouvel artisan avait déjà gagné assez d’argent pour acheter un métier et un lit ; il travaillait avec une assiduité remarquable, et on prenait à lui un tel intérêt, que les premières maisons de la ville s’étaient arrangées pour lui donner tour à tour à dîner chaque dimanche.

Ce jour-là, il endossait son uniforme, reprenait ses droits dans la société ; et comme il était fort aimable et fort instruit, il était fêté et caressé par tout le monde. Mais le lundi, il redevenait tisserand, et, passant le