nous faisons, de père en fils, depuis plus d’un siècle. J’ai observé, avec attention les ouvriers qui viennent chez moi ; et quand ils s’abandonnent sans réserve au penchant, trop commun chez les Allemands, pour les liqueurs fortes, ils arrivent à leur fin tous à peu près de la même manière.
« D’abord ils ne prennent qu’un petit verre d’eau-de-vie le matin, et cette quantité leur suffit pendant plusieurs années (au surplus, ce régime est commun à tous les ouvriers, et celui qui ne prendrait pas son petit verre serait honni par tous les camarades) ; ensuite ils doublent la dose, c’est-à-dire qu’ils en prennent un petit verre le matin et autant vers midi. Ils restent à ce taux environ deux ou trois ans ; puis ils en boivent régulièrement le matin, à midi et le soir. Bientôt ils en viennent prendre à toute heure, et n’en veulent plus que de celle dans laquelle on a fait infuser du girofle ; aussi, lorsqu’ils en sont là, il y a certitude qu’ils ont tout au plus six mois à vivre ; ils se dessèchent, la fièvre les prend, ils vont à l’hôpital, et on ne les revoit plus. »
J’ai déjà cité deux fois ces deux catégories gourmandes que le temps a détruites.
Comme elles ont disparu depuis plus de trente ans, la plus grande partie de la génération actuelle ne les a pas vues.
Elles reparaîtront probablement vers la fin de ce siècle ; mais comme un pareil phénomène exige la coïncidence de bien des futurs contingents, je crois que