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homme de bonne compagnie demande, comme une faveur, d’être admis à dîner avec eux, qu’il prendra sa part de la dépense, et qu’il leur en aura surtout une extrême obligation. » Je dis : il partit, et ne revint plus.

Mais, peu après, je vis entrer un petit homme gras, frais, joufflu, trapu, guilleret, qui vint rôder dans la cuisine, déplaça quelques meubles, leva le couvercle d’une casserole et disparut.

« Bon, dis-je en moi-même, voilà le frère tuileur qui vient me reconnaître ! » Et je recommençai à espérer, car l’expérience m’avait déjà appris que mon extérieur n’est pas repoussant.

Le cœur ne m’en battit pas moins comme à un candidat sur la fin du dépouillement du scrutin, quand l’hôte reparut et vint m’annoncer que ces messieurs étaient très-flattés de ma proposition, et n’attendaient que moi pour se mettre à table.

Je partis en entrechats ; je reçus l’accueil le plus flatteur, et au bout de quelques minutes j’avais pris racine…

Quel bon dîner ! Je n’en ferai pas le détail ; mais je dois une mention honorable à une fricassée de poulets de haute facture, telle qu’on n’en trouve qu’en province, et si richement dotée de truffes, qu’il y en avait assez pour retremper le vieux Tithon.

On connaît déjà le rôt ; son goût répondait à son extérieur : il était cuit à point, et la difficulté que j’avais éprouvée à m’en approcher en rehaussait encore la saveur.

Le dessert était composé d’une crème à la vanille, de fromage de choix et de fruits excellents. Nous arrosions tout cela avec un vin léger et couleur de grenat ; plus tard avec du vin de l’Ermitage ; plus tard encore,