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SABBAT

nos bien-aimés, et je n’adore, en eux, que la tricherie éternelle de Satan.

Il est toute notre activité, toute notre plénitude, et, si nous étions équitables, nous prierions le Diable comme nous prions Dieu, et avec plus de ferveur, même, car, entre nous, le Diable est diablement réalisateur et pratique, tandis que Dieu — veux-tu que je te dise ? — eh bien ! ce n’est qu’un fichu rêveur.

Dieu ? Il attend que les poètes le réveillent, mais Satan se charge — crois-moi ! — de réveiller les poètes.

Nous sommes si pénétrés de toute cette imagerie enfantine : le ciel et l’enfer, que, malgré nous, nous employons le vocabulaire des catéchismes. Mais que savons-nous ? Rien. Que sentons-nous quand nous sentons ? Tout.

Vive donc le Diable, par lequel je sens. Toute enfant, je jouais, déjà, à cligne-musette avec lui, et son ombre provocatrice et dansante m’effleure chaque fois que je touche aux fleurs, à la lumière, au désir, cet ange insatiable, à la force, ce démon trapu et concentré qui n’est que silence, alors que son frère rapide n’est que soupirs.

Et que le Diable soit sorti d’un antre ou descendu d’une montagne, qu’il ait fait éclater l’étoile qui le contenait, en ouvrant ses ailes, ou qu’en s’échappant de l’enfer, il ait salué l’ombre du musicien désespéré que m’importe ! Il me suffit de le savoir là, là, là,