Page:Pichot - Monsieur de l'Etincelle, ou Arles et Paris, t. II, Gosselin, 1837.djvu/426

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nous fûmes bien fatigués, elle ouvrit une croisée et regarda le ciel : Ah ! dit-elle, le temps va s’éclaircir… John, qu’on attelle les chevaux gris à la calèche. John était encore un grand diable de laquais ; au son de voix de la nouvelle Aline, j’aurais cru que John était un sylphe, un petit page de fée aux ailes d’azur et d’or, un des lutins du Songe d’une nuit d’été qui allait nous arriver sur un rayon du soleil. À peine lady Suffolk avait-elle dit : Le ciel va s’éclaircir, qu’un rayon avait éclairé soudain l’horizon. John, quoique très peu fantastique, avec son teint fleuri et sa corpulence de mangeur de beefsteak, n’en transmit pas moins fidèlement les ordres de sa noble maîtresse à un de ces prodigieux cochers qui trônent comme des aldermen sur le siége de leurs carrosses. Les chevaux gris étaient au nombre de quatre, et formaient un attelage admirable pour une calèche découverte. Nous parcourûmes les domaines de milord précédés par un piqueur pour nous ouvrir les barrières, et suivis de milord sur un de ses chevaux de chasse. Lady Suffolk sait déjà les traditions de la famille ; c’était plaisir de l’entendre avec son accent provençal nous dire : « Vous voyez là les ruines d’un vieux manoir qui appartenait du temps de Cromwell à lady Pembroke, une des ancêtres de milord. Lady Pembroke était une autre lady Tillie-tudlem, mais avec plus d’énergie ; trois fois Cromwell fit brûler son château, trois fois elle le rebâtit pour le braver. Voici l’île du Dragon, nous allons descendre pour la visiter ; lady Cécilia prétend que c’était la demeure d’un méchant enchanteur… Écoutez, l’entendez-vous gronder à notre approche ? » C’était le murmure de l’eau qui s’irritait contre l’obstacle que lui