Page:Pichot - Monsieur de l'Etincelle, ou Arles et Paris, t. II, Gosselin, 1837.djvu/428

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soirées aussi. J’ai une réparation à faire à la châtelaine, que j’accusais de se laisser un peu enivrer de ses grandeurs : elle m’a prouvé, quand j’ai pris congé d’elle, que le pays natal lui est toujours cher. Je t’apporte de sa part un joli petit tableau, représentant la Vierge, saint Joseph et l’Enfant-Jésus, avec des anges qui voltigent sur l’arbre qui les abrite, ou cueillant des fleurs sur les buissons ; c’est un petit chef-d’œuvre d’un peintre espagnol qui fera très bien au-dessus de ton prie-dieu. Pour moi, elle m’a donné un superbe exemplaire des œuvres de Wordsworth, le poëte des lacs, dont nous avions lu quelques pièces tout haut dans une de nos soirées.

« Je vous fais un cadeau intéressé, m’a-t-elle dit ; je vous demande en retour un petit volume qui manque dans la bibliothèque de milord, les œuvres de Coye, notre Burus arlésien, et je vous prie de me faire faire, par M. Huart, une copie de son joli tableau du cloître de Saint-Trophime. » Ce souvenir de la patrie arlésienne m’a fait trouver lady Suffolk deux fois plus belle.

» Le signet d’un des volumes de Wordsworth était placé non sans intention à la page où l’on lit la petite pièce suivante :


La rêverie de la pauvre Suzanne.


» — Au coin de Woodstreet, quand le point du jour paraît, on pend la cage d’une grive qui chante gaiement, et voilà trois années qu’elle chante. La pauvre Suzanne passait près de là, et elle entendit, au milieu du silence du matin, le chant de l’oiseau.

» Ce fut pour elle une mélodie magique. Qu’a-t-elle ? Elle voit une montagne qui s’élève, une vision