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Page:Pierre Belon - L'histoire de la nature des oyseaux.djvu/222

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LE QUATRIESME LIVRE DE LA NATURE DES OYSEAUX DE

riviere qui n’ont le pied plat, avec leurs descriptions & portraicts retirez du naturel.

De la Grue.
CHAPITRE PREMIER.


IL N’Y ha aucune contree en païs labourable ja semé, qui soit exempt de nourrir les Grues quelque temps de l’annee. Parquoy elle est ja cogneuë de toutes personnes. Les Grecs, Latins, Françoys, l’ont nommee à cause de son cry. Elle ha donné nom à une petite herbette, qui fait ses semences à la façon d’une teste de Grue. C’est un oyseau passager, qui fait son cry qu’on oyt en diverses saisons de l’annee, lors qu’il s’en va, & qu’il retourne : car ne pouvant trouver pasture l’hyver es regions Septemtrionales pour l’intolerable froideur, ha recours aux contrees, ou les eaux ne sont glacees en ce temps lá. Il y ha difference assez evidente du masle à la femelle. Car le masle ha la teste bien rouge, chose que n’ha pas la femelle. Nous ne la voyons qu’on temps d’hyver, sinon qu’on l’eust aprivoisee de jeunesse. Et communement ne fait que deux petits, ou il y ha masle & femelle. Et si tost qu’elles les ont eslevez & apprins à voler, elles s’en vont. Encor que la Grue soit un grand oyseau, si est-ce que maints petits oyseaux de proyë, aduïts par les faulconniers, osent entreprendre & se hasarder à la combatre corps à corps : mais lon ha coustume d’en lascher plusieurs, à fin d’avoir plaisir en regardant leur combat : car ce que les seigneurs en font, n’est pour y avoir profit, mais plaisir. Quoy qu’il en soit elles vont passer l’esté bien loing vers les contrees ou de la mer glaciale, ou autres lieux marescageux : car estants lá, en esté trouvent les eaux à propos pour leur paistre lors que noz marais sont deseichez pour la trop grande chaleur. La Grue ha une chose en son anatomië que n’avons trouvee en aucun autre oyseau : c’est que son siflet, qui se rend aux poulmons, est en autre maniëre qu’en touts autres : car il entre de costé & d’autre dedens la chair suyvant l’os du cofre de la poictrine, de quoy ne nous est merveille si elle ha la voix qu’on oyt de si loing : car à la verité, il n’est oyseau qui face la voix si haultaine que la Grue. Nous trouvons plusieurs choses de la nature de la Grue escrites des anciens