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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/100

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LE JOURNAL

profonde et sombre aversion qui sourd, intarissable, dans mon cœur.

Comme il ne disait rien et que tous se taisaient, émus, je résolus de rompre moi-même le cours de mes amères réflexions et je pris la parole :

— Monsieur, mes parents m’ont dit que vous me faisiez l’honneur de me demander en mariage. Après avoir réfléchi — j’insistai à dessein sur ce mot — j’ai décidé que Raymonde de Clovers s’appellera…

Il devina peut-être que ce nom sonnerait mal dans ma bouche : il m’interrompit.

— Merci, Mademoiselle. Il m’est impossible de vous dire et vous ne comprendrez jamais le bonheur que j’éprouve et que je vous dois. Je m’efforcerai seulement d’en être le moins possible indigne. Merci, Mademoiselle, merci !…

Son émotion, qui allait croissant, le contraignit d’interrompre les expressions de sa gratitude. Maman pleurait. Papa m’attira dans ses bras et m’embrassa.

Alors je pris congé de mon fiancé — ô ironie ! — et je me retirai dans ma chambre. Maman ne tarda pas à m’y rejoindre, laissant M. Grandidier s’entretenir avec mon père.

Quand nous nous trouvâmes seules en-