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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/104

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LE JOURNAL

et la paisible médiocrité, enviera mon bonheur !

Ah ! que je donnerais de bon cœur mes millions d’aujourd’hui pour ma gaîté d’autrefois !

Cher couvent, abri de mon enfance, solitude si douce aux âmes fragiles, modeste chapelle aux vitraux coloriés, toute remplie du parfum des autels, vieux murs qui résonniez au bourdonnement des cantiques, tout ce que j’ai aimé, tout ce que je regrette, que vous êtes loin !

J’ai aperçu, dans la foule, le béguin blanc de notre mère supérieure. Elle fixait sur moi ses grands yeux bleus, ses regards droits et profonds qui lisent dans les âmes, et sur ce beau visage frêle, presque diaphane, tout imprégné de la grâce éblouissante d’une jeunesse qui a survécu à elle-même, que la vie n’a pas flétrie, et de ce charme imposant d’une noble vieillesse, un sourire est passé qui s’adressait à moi. Et je lui ai souri, mais mon cœur s’est serré et j’ai failli pleurer.

M’est-il permis de douter un instant que ma vie sera malheureuse qui s’ébauche sous de tels auspices. Décor, mensonges, façades ; moi seule connais la vérité !