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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/12

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LE JOURNAL

Et dans l’angoisse qui m’étreint, je ne puis m’empêcher de jeter ce cri : « Mon Dieu, mon Dieu !… Mais quelles sont donc ces souffrances dont on nous parle toujours sans les nommer jamais ?… Qu’est-ce que la vie ? L’heure est-elle venue de souffrir ?… Et pourquoi souffrir ?… »

Jusqu’à ce jour une ligne régulière de conduite m’était tracée que je n’avais qu’à suivre. L’emploi de mes journées, jusqu’en leurs moindres détails, était fixé d’avance. Je ne pouvais m’égarer, je n’avais qu’à marcher. Et je trouvais douce, si douce que je la regrette, cette sécurité continuelle dans laquelle je vivais.

Aujourd’hui, plus de guide !

Plus de chemin tracé !

Je suis comme un naufragé, abandonné sur une barque, en pleine mer, seul, sans notions spéciales et sans boussole. La mer est calme, aucun danger ne paraît imminent, et cependant que faire, où aller ?…

Mon passé fut paisible, ordonné, pieux. Quel sera mon avenir ?