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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/120

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LE JOURNAL

Il y a des instants dans la vie, où l’intelligence s’éclaire tout d’un coup d’une lumière étrange, où l’on comprend par une sorte d’intuition ce que l’expérience n’a pu vous apprendre. C’est ainsi que je devinai chez cet homme, trahi par le moindre de ses gestes, la moindre de ses paroles, cette brutalité particulière que donnent la domination des choses faciles, la société des filles.

Dès lors il cessa de m’être seulement antipathique : il me répugna.

Cependant il avait abandonné ma main qui gisait sur les draps. Il se leva et se penchant à mon oreille :

— Je vais revenir, dit-il.

Il disparut dans le cabinet de toilette, attenant à la chambre. Je l’entendis se déchausser, retirer ses vêtements, procéder à sa toilette.

Il reparut il avait une chemise de soie rose. Ainsi accoutré, son ventre bedonnant tendant l’étoffe légère, il était tellement drôle, tellement ridicule, que si je n’avais pas eu envie de pleurer, j’aurais certainement ri.

— Voulez-vous être gentille, Raymonde ?

— Mais, mon ami…

— Appelez-moi Raoul.