Aller au contenu

Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/135

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
133
D’UNE FEMME DU MONDE.

de quelques minutes, durant lequel M. Grandidier est évidemment tout au triomphe qu’il s’impute. Puis, se frottant les mains et pour ètre aimable, il s’informe de ma journée.

Je voudrais pouvoir lui répondre des choses qui le fâcheraient, qui l’irriteraient. Je le contredis en tout, de parti-pris, sans raison, bêtement, uniquement pour le contredire. J’en arrive ainsi à soutenir les plus monstrueux paradoxes, les plus extravagants. Lui, au lieu de se fâcher, il trouve cela drôle, il rit et déclare qu’il n’a jamais vu une petite femme aussi originale que moi. Bref, il me considère comme un jouet. Je ronge ma colère et me tais. Et dans le silence, qui de nouveau s’établit, j’entends le bruit qu’il fait en mangeant, en dégustant les vins dont ses verres sont toujours remplis, et sur sa large face cramoisie de bon vivant, s’épanouit la satisfaction d’un bonheur sans mélange, que rien ne saurait troubler. Et tandis que je l’observe, il lève les yeux, sourit et me dit :

— Vois-tu, ma bichette, avoir de la fortune, un bon estomac et une adorable petite femme comme toi, cela fait trouver la vie pas désagréable du tout !

Et tout cela, cette attitude sans dignité, ces