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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/138

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LE JOURNAL

un serpent. De grands arbres nous couvrent de leur ombrage bienveillant. Mais quelque épaisse que soit leur puissante ramure, le soleil faufile entre les feuilles quelques-uns de ses rayons : ils glissent, tombent sur le sol, y font de petites taches vermeilles, qui éblouissent les yeux. Nous marchons.

Alors, peu à peu, le soir descend. Nous avons atteint le sommet de la colline. Nous nous arrêtons et nous nous asseyons. Devant nous, la mer s’étale, immobile et calme : de toutes parts s’allument des feux, ceux des navires en rade, et cela fait sur ce fond bleu comme une guirlande merveilleuse de gemmes multicolores, rubis, émeraudes, topazes, diamants… À nos pieds est couchée la ville, qui s’illumine aussi, immense et toute blanche. Et tout là-bas, en face, le soleil, qui vient d’atteindre le flot, l’empourpre, et tout s’empourpre aussitôt, la ville, la colline, les arbres, les rochers, nos visages et nos mains, tout, comme éclaboussé du sang de l’astre agonisant. Mais cela dure peu. L’horizon se violace, bleuit, devient sombre. Le parfum âcre et troublant des eucalyptus monte, grisant, soulevé par une brise molle qui vient à nous, frémissante, et s’enfuit, emportant sur