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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/139

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D’UNE FEMME DU MONDE.

ses ailes invisibles, aux battements silencieux, quelque chose de plus, le murmure d’un serment, le bruissement d’un baiser.

Mon rêve ne va pas plus loin : il s’envole et disparaît avec la brise. Mon imagination, qui me représente si soigneusement, avec tant de détails, ces pays merveilleux qu’elle enfante, ne me dit rien de mon pseudo-mari. D’une façon générale il possède toutes les qualités : je ne lui en connais pas de particulièrement saillante, si ce n’est peut-ètre une extrême délicatesse de sentiment. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’il me comprend, que je le comprends, qu’il est à moi comme je suis à lui, et que nous nous aimons.

Cela ne suffit-il pas ? Que de femmes ne voudraient pas en savoir plus long sur leurs époux.

Or, ces petites rêveries innocentes aboutissent généralement à un fait assez bizarre que je crois devoir noter : dès qu’a disparu le décor merveilleux de mes amours éthérées, une figure, toujours la même, apparaît à mes yeux : Roger de Clarance. Il me semble alors que je suis sa femme. Il me parle : il y a dans sa voix je ne sais quoi qui me caresse délicieusement. Je m’abandonne à lui : c’est mon