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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/14

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LE JOURNAL

d’un frêle réseau de perles humides qui étincelaient au soleil. Ce spectacle enchanta ma vue et ma joie fut parfaite lorsque, après un rapide coup d’œil, je me fus assurée que rien n’avait été changé à mon cher Clovers : on aperçoit toujours, émergeant d’un fouillis d’arbres, le clocher du village ; il n’est ni plus, ni moins de travers qu’autrefois. Les arbres eux-mêmes, qu’en arrivant hier je n’avais pu distinguer dans la brume du soir, sont bien tous à leur place, et mon fameux sapin, qui joua dans mon enfance un rôle si important, est bien là, devant ma chambre, et dresse immuablement vers le ciel limpide sa vieille bonne grosse tête verte.

Je me suis habillée à la hâte, comme au couvent. J’ai revêtu, pour la dernière fois peut-être, mon uniforme de drap gris.

Pauvre petit uniforme, si terne et si simplet !… Tu n’es pas très élégant, tu ne l’es même pas du tout !… Cela n’empêche que tu m’es cher et ce ne sera pas sans émotion et sans regret que je te quitterai, car, avec toi, c’est tout un lambeau de ma vie qui s’en ira.

Cette petite oraison funèbre terminée, m’étant couvert la tête d’un capulet, je suis sortie de ma chambre.