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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/15

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D'UNE FEMME DU MONDE.

Ma première pensée fut de courir embrasser ma mère. Je m’apprêtais à frapper à sa porte, quand une femme de chambre, qui m’était inconnue et qui passait au même moment, m’arrêta :

— Vous n’y pensez pas, Mademoiselle !

Je ne savais ce qu’elle voulait dire.

Elle reprit :

— Réveiller Madame à cette heure !

Et comme je lui faisais poliment remarquer qu’il était huit heures et demie, elle m’a répondu :

— Madame la marquise ne souffre pas qu’on la réveille avant dix heures.

Madame la marquise !… Pourquoi pas tout simplement madame votre mère ? Suis-je donc une étrangère ici ? Et y a-t-il des heures pour embrasser sa mère ?

C’est peut-être sottise de ma part ou susceptibilité trop vive, ce petit rien m’a fait froid au cœur, et la joie qui l’inondait s’est immédiatement glacée. Je n’aime pas cette fille.

Toute triste, je me suis éloignée. J’ai descendu le grand escalier de marbre blanc, sur la pointe des pieds, pour ne réveiller personne. J’ai remarqué que les tapisseries qui ornaient les murailles et qui, disait-on, étaient d’une