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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/141

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D’UNE FEMME DU MONDE.

personne très malheureuse dans ce pauvre monde. Cela ne me console pas, mais pourtant — à quoi bon le cacher — cela me donne du courage. C’est très mal, je le sens bien, mais ainsi le veut la nature humaine, tout au fond de laquelle sommeille l’égoïsme qu’un rien suffit à réveiller et que l’on ne parvient jamais à détruire complètement. On souffre d’ètre une exception au bonheur : on souffre moins, si l’on sait que le poids d’adversité qu’on supporte n’est en définitive qu’une part du fardeau commun.

Cette semaine toute une volée de petits potins est venue jusqu’à moi sans que je les appelle — je n’ai pas, grâce à Dieu, la curiosité malsaine, — et j’ai appris de bien vilaines choses.

La duchesse de Crey va demander le divorce parce que son mari a une conduite déplorable. Mme de Charley tient tous les jours compagnie, de cinq à sept, au petit Burigan, le caricaturiste à la mode, dans son rez-de-chaussée de l’avenue d’Antin ; on prétend que c’est pour se venger de son mari, lequel la trompe avec Mme de Gombourg, laquelle plaide tant qu’elle peut pour qu’on gratifie d’un conseil judiciaire son mari, lequel mange toute