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LE JOURNAL

que Dieu a permises aux hommes, la plus noble assurément, puisqu’elle plane bien au-dessus de ces unions charnelles, qui font naître ou consacrent l’amour, qui lui sont nécessaires, si j’ai bien jugé.

C’est la plus solide aussi, puisqu’elle n’est faite d’aucun de ces liens qu’un rien peut briser.

Il est rationnel que l’amour, en grande partie résultant de sensations, s’émousse à la longue, comme ces sensations elles-mêmes. L’amitié, sentiment pur, comme tout sentiment, ne peut que se développer avec le temps. La maladie, la vieillesse, les infirmités sont autant d’ennemis que rencontre l’amour et qu’il lui faut vaincre s’il ne veut périr. Pour l’amitié, ce ne sont au contraire que des occasions de s’exercer plus à son aise, et de se développer.

Ce qui me remplit de joie, c’est que l’amitié qui m’unit maintenant à Roger de Clarance m’apparaît comme le meilleur garant de la plus grande honnêteté : il m’est donc permis de m’abandonner à elle sans crainte et de toute mon âme. Je ne conçois pas en effet que l’amitié puisse subsister, si l’on s’écarte de la vertu qui en est la raison, alors que, au