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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/156

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LE JOURNAL

vous ètes-vous demandé si c’était toujours de la même façon ?

Il rougit et baissa les yeux.

Puis, se reprenant, avec force :

— Après ? dit-il. Où serait le mal ?

— Oh ! Roger, vous n’y pensez pas !

Nous étions arrivés au sommet de la côte. Toby se remit à trotter. Nous nous tûmes.

Les églantiers, les ronces, les chèvrefeuilles et les horties étaient en fleurs. Dans l’air se mélangeaient le parfum suave de ces plantes et le goût âcre des varechs de la mer. À droite et à gauche de la route, des vaches somnolaient, les unes debout et immobiles, les autres couchées, dans des prés gras et frais que divisent en une infinité de petits carrés verdoyants des haies d’épines coquettement taillées ou des saules cachant un ruisseau. Alors, malgré moi, je pensai qu’il serait bien doux, dans ce charmant décor d’une nature féconde, de s’aimer librement… comme « il » l’entendait et venait de me le proposer. Mais à peine cette pensée eut-elle effleuré mon esprit, que j’en ressentis aussitôt confusion et honte. Quoi ! J’en étais arrivée à raisonner ainsi ? Non. Mon imagination m’avait une fois de plus emportée par delà les limites