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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/161

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D'UNE FEMME DU MONDE.

rassé, aussi embarrassé que d’ailleurs je l’étais moi-même. Évidemment il se rendait compte de l’effet qu’avait dû produire sur moi sa question de l’avant-veille, sa déclaration, car ç’en était bien une. « Où serait le mal ? » avait-il dit. Il comprenait bien maintenant qu’il avait troublé notre amitié, en parlant d’amour. Sa visite n’avait-elle d’autre but que de me faire oublier ce qu’il considérait comme une faute ? Peut-être eût-il mieux valu, pour lui, aborder franchement cette question : je l’aime tant que j’aurais cru tout ce qu’il lui aurait plu de me dire ? Je ne demandais qu’à pouvoir reprendre confiance en lui. Il n’en eut pas le courage. Nous parlâmes du monde, du temps, des toilettes, de tout enfin, excepté de ce que nous avions dans le cœur.

Tout à coup, comme je choisissais, dans une botte de fleurs jetée sur un guéridon, une rose pour la lui offrir, une épine rencontra mon poignet et le déchira. Je relirai vivement la main : le sang parut. Roger m’entoura aussitôt le poignet de son mouchoir et, comme la manche qui était en dentelle le gênait dans cette opération, il la releva délicatement sur mon bras que frôla sa main. Un frisson me parcourut le corps : il me sembla que tout