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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/162

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LE JOURNAL

mon sang affluait au cœur. Je crus un instant que je perdais la tête : je chancelai, poussai un cri étouffé et je m’abandonnai, défaillante, dans les bras de Roger, toute remplie d’une volupté étrange, comme en délire.

— Raymonde ! s’écria-t-il. Qu’avez-vous ?… Vous pâlissez !…

Mais déjà, j’avais compris ce qui se passait en moi : c’était inévitable, fatal ; je m’étonnais maintenant de ne l’avoir pas prévu : mon cœur s’était ouvert tout entier à l’amour, dont n’était qu’une manifestation l’émotion sensuelle que je venais d’éprouver.

Je me redressai vivement, me dirigeai vers un siège et m’y assis.

— Est-ce bête ! murmurai-je. Manquer de se trouver mal pour une égratignure !

Il ne me répondit rien, sourit seulement, car il avait compris.

La porte s’ouvrit. M. Grandidier parut.

— Comme vous êtes pâle, Raymonde, remarqua-t-il tout de suite. Seriez-vous indisposée ?

Je lui montrai mon bras et lui dis comment je m’étais blessée.

— Allons, fit-il en riant, ce n’est pas grave et vous n’en mourrez pas, je pense !