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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/189

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D'UNE FEMME DU MONDE.

— L’hallali !

Nous piquons dans la direction d’où partent les hurlements des chiens et nous débouchons dans une clairière, tapissée de mousse et de bruyère, encadrée de sapins. Dans une mare couverte de roseaux, l’animal, un dix cors, entouré d’une meute qui, tout autour de lui, forme une cohue lugubre, acharnée et hurlante, fait tête. Le soleil, de ses derniers feux, ensanglante le ciel, et il apparaît, au travers des troncs d’arbres qui se détachent, sombres, sur ce décor d’incendie, il apparaît, rond comme une boule de pourpre qu’on dirait posée sur l’horizon. Elle disparaît peu à peu ; les ombres descendent. L’animal, haletant, demeure presque immobile : seulement, de temps à autre, ses bois décrivent dans l’air un demi-cercle, et puis, la tête basse, la langue pendante, le dos arrondi, il semble, résigné, attendre la mort. Son poil est hérissé, fauve à certaines places, brun à d’autres, et partout trempé de sueur.

Tout le monde est là maintenant. Sur un signe du maître d’équipage on sonne la mort.

Cette sorte de spectacle, bien que j’y sois habituée, m’impressionne toujours. L’émotion et la brise du soir me firent frissonner.