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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/193

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D'UNE FEMME DU MONDE.

Elles mangent, boivent, disent, pensent la même chose. C’est adorable ! Pour ma part, j’étais très gènée, car je sentais bien que tout le monde nous regardait. Elles sont maintenant connues de Tout-Paris.

Les tziganes commencèrent une valse. Ils jouaient bien. Cette musique me plut. J’écoutais attentivement. Le thème était en soi simple et monotone, et cependant ils le variaient à l’infini : la même note, sous leur archet magique, était tantôt légère, tantôt grave, tantôt brève, tantôt prolongée et vibrante, toujours étrange. Et ma pensée énervée, sur ces rythmes captants, partit. Elle partit, joyeuse, pour ces contrées lointaines, inexistantes, qu’évoquaient ces accords maintenant affolés, pour le pays des rêves et des enchantements, où tout est harmonie, parfum, volupté et bonheur. Et tout à coup, par une association d’idées toute naturelle, mon ancienne vision, qui depuis longtemps ne m’était pas apparue, se présenta : la grève d’or que lèche le flot de ses lèvres d’écume, le sentier grimpant dans la colline, l’amant.

— Vous avez l’air triste, me dit Clarance.

Je lui en voulus d’avoir brisé mon rêve, mais alors, mes yeux s’étant reportés sur lui,