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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/199

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D'UNE FEMME DU MONDE.

Il me fit l’histoire de son amour, et je suivais, en l’entendant parler, l’évolution du mien : leur histoire en effet n’était-elle pas commune ? N’avaient-ils pas même origine ? Leur développement n’avait-il pas été le même ? Le malheur nous avait réunis, mais nous n’avions d’abord cherché l’un chez l’autre que la consolation, l’oubli dont nous avions besoin. Et puis, nous nous étions imprudemment abandonnés aux délices de cette innocente liaison ; sans y prendre garde, nous avions laissé croître en toute liberté l’amitié qui nous liait. Le feu couve sous la cendre et la flamme jaillit tout d’un coup : un jour, nous sentîmes avec joie et stupeur la subite morsure d’une flamme inconnue et secrète, et nous nous aperçûmes que nous étions faits l’un pour l’autre, et que nous étions indispensables l’un à l’autre. Nous essayâmes de nous cacher la vérité, mais le trouble où nous étions, le malaise étrange qui nous envahissait, jusqu’à nos regards, quand ils se rencontrèrent, nous trahirent, et nous comprîmes que nous nous aimions, avant même de nous l’être avoué.

Il me dit alors comment son amour, dans l’éloignement et le recueillement, avait grandi, et s’était purifié.