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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/201

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D’UNE FEMME DU MONDE.

— Parce que nous voici de nouveau exposés au danger qui m’avait fait vous fuir, avec cette aggravation qu’il a grandi en même temps que notre amour !

— Encore !… Vous y revenez !

— Il le faut bien. Je n’ai plus qu’une sauvegarde contre moi-même : votre générosité. Sera-t-elle plus forte que la passion ?

— Raymonde, je vous jure…

— Point de serment. J’ai confiance en vous, mon ami, j’ai confiance en votre honnêteté : je sais que vous n’êtes pas une âme commune. Quant à moi — à quoi bon vous le cacher — je suis à un de ces tournants de la vie, où la femme, quelle qu’elle soit, n’est plus qu’une loque, que le plus mauvais vent peut emporter. Votre puissance sur moi est sans limite : je suis moins qu’une esclave à vos pieds, puisque je n’ai même plus la liberté de jugement. Votre rôle, qui pourrait être lâche et ignoble, sera grand, parce que vous n’abuserez pas des circonstances qui me livrent à vous. Vous ne serez pas mon mauvais génie, vous serez mon sauveur ! N’est-ce pas, vous le serez ! Notre amour, de par votre volonté, qui désormais est la mienne, vivra pur, planera sans faiblesse bien au dessus de la fange où se trainent