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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/216

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LE JOURNAL.

furent par un fil attachées à la terre, le fil de la sensualité, et qu’il ne peut exister de félicité sensuelle durable ni pure.

À ce moment, comme s’il avait eu la même pensée, Roger murmura :

— Oh ! ma chère Raymonde, est-il possible d’imaginer un amour plus grand, un bonheur plus parfait que le nôtre !

Tandis qu’il disait ces mots, j’avais retiré le loup qui me couvrait le visage ; je regardai tout autour de moi, pour m’assurer que nous étions bien seuls. Tout à coup la peur me prit, je tressaillis : si on nous avait reconnus à la sortie du palais ! Quelles conséquences aurait alors cette folle escapade ! « Je n’ai pas pris assez de précautions, pensai-je : j’aurais dû mieux me cacher. »

Me cacher ? Mais pourquoi me cacher ? Pourquoi fuir les regards étrangers, à l’instar d’un voleur ? Étais-je donc criminelle ? Ma conduite était donc inavouable qu’il me la fallût dérober au jugement des hommes ? Non. Alors ? Ah ! voilà : c’est que celui qui était à côté de moi n’avait pas le droit d’y être ! C’est que celui qui venait, une fois de plus, de me dire son amour, n’avait pas le droit de m’aimer ! J’étais mariée, et cet homme n’était pas