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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/223

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D'UNE FEMME DU MONDE.

sa jeune imagination déjà vicieuse. Oh ! oui, nous nous étions aimés ! Mais seuls, le ciel qui nous vit et nous-mêmes, saurons jamais comment !

Nous glissions rapidement. Une brise légère raffraîchissait nos visages. Sur le canal, flottait, au ras de l’onde, une gaze de brume, qui tamisait les premiers rayons du soleil levant. Toutes les impressions que recueillaient mes sens étaient si douces qu’il me semblait rêver. Ma main, que je laissais pendre en dehors de la barque, rencontra l’eau : cette caresse humide, froide, me saisit et me réveilla tout d’un coup.

— Pourvu que le bal ne soit pas fini, murmurai-je.

— Voyez donc, Raymonde : les fenêtres du palais sont toutes illuminées et les hallebardiers dorment sur les marches du perron.

Nous approchions.

— Entendez-vousles orchestres ? On soupe ; nous pouvons rentrer sans crainte.

La gondole venait d’accoster. Roger jeta une pièce d’or au petit italien qui la reçut dans son chapeau et qui me baisa la main. Nous montâmes rapidement les degrés de marbre.