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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/227

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D'UNE FEMME DU MONDE.

Paris, 25 mars.

Oh ! que Paris est triste pour moi. Les distractions qu’il offre à tout venant ne sauraient faire diversion à l’ennui qui m’oppresse. Le monde, que j’ai à peine aperçu, qui m’avait laissée jusqu’à ce jour à peu près indifférente, m’est tout à coup devenu odieux. Visites, dîners, bals, autant de corvées pour moi ! Ma chère maman qui, plus mondaine que jamais, ne peut s’expliquer mes sentiments, attribue mon hypocondrie à quelque mal secret, une maladie de foie, et si je l’écoutais, ce serait chez moi, du matin au soir, un défilé de médecins : pauvres gens, que viendraient-ils faire et que diraient-ils !

Malade, je le suis pourtant : les choses et les événements les plus insignifiants, les plus risibles souvent, m’agacent, m’irritent. De bonne, généreuse que j’étais, il me semble que je suis devenue égoïste et misanthrope : je ne puis voir, sans que le fiel aussitôt se répande dans mon cœur, ces gens du monde, ces heureux, dont l’existence n’est qu’un tissu