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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/228

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LE JOURNAL.

de futilités et de niaiseries, de potins, généralement faux, toujours méchants. Chose étrange, ces êtres que je méprise, je me surprends parfois à les envier.

Et ces femmes, quelles réflexions ne m’inspirent-elles pas, ces femmes, mères de famille souvent, qui ne quittent leur cabinet de toilette, où les retient pendant des heures leur insatiable désir de plaire, que pour leur couturier et qu’on voit, durant des soirées entières, assises dans l’encoignure d’une porte où elles répondent par d’accueillantes œillades ou de malicieux sourires, à peine dissimulés derrière l’éventail, aux avances de petits jeunes gens ou aux grivoiseries de vieux messieurs.

Quelle vanité, Seigneur !

Chez tous ces êtres, le cœur est atrophié : je les crois incapables d’une action grande, noble, désintéressée. Eh bien ! tous ces hommes et tous ces jeunes pantins grotesques, ont la prétention d’aimer et ne parlent que d’amour. N’est-ce pas d’un comique navrant !

Ce spectacle de tous les instants, auquel il me faut assister, m’est, à ce point odieux, que la pensée de fuir, de partir loin, très loin, me poursuit et m’obsède. Oui, je voudrais