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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/229

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D'UNE FEMME DU MONDE.

quitter ce monde et mon foyer, qui, lui aussi, m’est insupportable. Le luxe qui m’entoure, partout étalé sous mes yeux, ne me rappelle-t-il pas à tout moment ma servitude ?

Et je sais bien où je voudrais aller : près de celui qui a déjà ma pensée. Oh ! vivre avec lui ! Il ne me suffit plus comme autrefois de le rencontrer dans un salon, à une vente de charité ou à une exposition : ces rendez-vous sentent trop le flirtage ; ils suffisent aux amours mondaines, souvent même ils en sont tout le charme. Mais nous, qui devant Dieu sommes l’un à l’autre, nous devons, pour ètre heureux, vivre l’un avec l’autre : de même que deux rivières, après être descendues, torrentueuses, de la montagne, mêlent leurs eaux dans la vallée, et les roulent parmi des rives fleuries, en un fleuve tranquille et lent, jusqu’à la mer, ainsi nos deux vies, après avoir été agitées et troublées, devraient confondre leur cours et couler, désormais paisibles, dans l’ivresse de l’amour, jusqu’à la mort !

Hélas ! Voilà le rêve auquel je m’abandonne et qui jamais ne se réalisera, puisque nous ne sommes libres ni l’un ni l’autre !