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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/24

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LE JOURNAL

mange et marche comme un homme. Peut-être la société d’un frère, au parler trop libre, aux manières débraillées, n’a-t-elle pas été sans quelque influence sur l’éducation déplorable de cette pauvre Jacqueline. En outre, de mauvaises lectures lui ont faussé l’esprit et ont éveillé en elle des désirs malsains. Enfin les approbations, les flatteries d’un monde indulgent et facile, qu’amusent toujours la verve et l’entrain immodérés d’une jeune fille, et qui, n’ayant pas charge d’âme, ne demande qu’à rire, ont achevé de la gâter. Elle est sans cesse entourée d’une cour de jeunes gens désœuvrés qui l’encouragent et la gouvernent.

Grisée par tant de succès, elle laisse échapper parfois, sans broncher, les mots les plus osés, qu’elle ne comprend pas toujours très bien, ce qui est sa meilleure excuse. Et tous ses courtisans de s’écrier en chœur à chaque énormité : « Est-elle assez gentille, cette petite Jacqueline !… En a-t-elle de l’esprit ! »

Je me rappellerai toujours notre première rencontre et les propos qu’elle me tint. Après s’être jetée dans mes bras, m’avoir follement embrassée, m’avoir mangée de caresses :

— Comme je suis heureuse, ma petite Ray-