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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/248

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LE JOURNAL.

jour fatal qui hante mon esprit. Et voilà que, au lieu de disparaître, il va prendre une forme, se personnifier, devenir quelque chose de palpable et de vivant, quelqu’un !

N’est-ce pas horrible ! Que peut-on rêver de plus atroce !

Je suis enceinte.

Oui, je suis enceinte. Je porte dans mes flancs le fruit exécrable de cette étreinte ignoble et je le sens qui me ronge, qui me dévore et qui me tue.

Ah si j’osais !

C’est atroce, odieux, inhumain, contre nature, je le sais. Et cependant j’y ai songé.

Voilà où j’en suis arrivée maintenant, ce que l’infortune a fait de moi ! La pensée d’un crime, du plus lâche, du plus monstrueux des crimes, l’infanticide, ne me révolte plus ! Il me semble que ce n’est pas mon enfant que j’étoufferais, mais mon passé tout entier qui vivra en lui.

Non, je ne ferai pas cela. J’ai déjà trop souffert pour reculer devant une nouvelle torture.

Mais voilà qu’une idée me traverse la tête : cet enfant, j’ai comme le pressentiment qu’il ruinera le seul bonheur qui m’ait encore été