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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/259

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D'UNE FEMME DU MONDE.

— Admirable, en vérité ! Donc, je vais l’aimer, ce petit intrus, car C’est un intrus…

— Oh, Roger ! Taisez-vous !

— Je vais l’aimer comme mon propre enfant. Je m’imaginerai, quoi de plus facile ! — il suffit pour cela d’un peu d’imagination — que j’en suis le père, et toute l’affection dont je serais capable pour l’œuvre de ma chair, je la lui donnerai, à cet étranger qui lui, très certainement, ne me rendra en échange que cette très parfaite indifférence qu’on éprouve à l’endroit de quelqu’un qui s’occupe de vous quand ça ne le regarde pas !… Et cette chose surhumaine, contre nature, impossible et inexplicable, que vous exigez de moi, je la ferais par amour…

— Pour moi, oui.

Il y eut un instant de silence. Son front s’assombrit. Puis son visage s’éclaira soudainement. Il m’attira dans ses bras et me pressant sur son Cœur :

— Pardon, Raymonde, pour tout ce que je viens de dire !… Pardon !… Vous n’êtes pas folle, je le comprends maintenant : vous êtes seulement grande, très grande, plus grande que moi, puisque vous concevez une telle abnégation !