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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/260

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LE JOURNAL.

— Non. Le sacrilice que je vous demande, lui seul est grand. Si je vous le demande, c’est que je vous sais de force à le faire.

Il répéta :

— Je tâcherai.

Paris, 6 juillet.

J’éprouve parfois une sorte d’hallucination étrange. Il me semble que cet enfant que je porte dans mon sein est de lui, de Roger.

Et je le vois : il lui ressemble. Il est blond comme lui, il a les mêmes yeux bleus, il a les mêmes gestes ; sa voix est douce comme celle… L’illusion est si parfaite, la ressemblance si frappante que j’allais dire : comme celle de son père ! Hélas ! Mais oui, pourquoi ne pas l’avouer : vingt fois par jour je me surprends à murmurer : « O petit amour chéri, vous verrez comme vous serez heureux, comme votre papa et votre maman vous aimeront ! » Et en disant cela, j’associe par la pensée à mon affection celle de Roger de Clarance pour cet enfant, car je suis bien tranquille, je suis sûre qu’il l’aimera : il ne pourra pas ne pas l’aimer quand il verra à quel point il lui ressemble, à quel point je l’ai fait son enfant.