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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/289

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D'UNE FEMME DU MONDE

Et ma crainte était si grande de ne point deviner juste, qu’une idée me vint alors : pourquoi Raymonde se marierait-elle ?

Était-ce donc là une nécessité ?

N’avais-je pas payé assez cher avec une union détestable le célibat que je lui souhaitais ?

Mais alors, devant mon esprit charmé, les quelques jours de bonheur qui rayonnèrent dans ma pauvre vie, c’est-à-dire ceux d’amour, repassèrent. Chacun des mille souvenirs qui s’éveillaient en moi, me remplissait d’une joie délicieuse, cependant obscurcie par l’ombre d’un regret. Hélas ! pensais-je, que notre destinée est étrange ! Nous allons où le vent nous pousse, comme une barque sans gouvernail : bien souvent nous passons à côté du bonheur, sans pouvoir nous y arrêter. Comme j’aurais été heureuse, avec « lui » !

Le cours de mes réflexions changea brusquement. Eh bien ! mais pourquoi Raymonde ne rencontrerait-elle pas sur son chemin un Roger de Clarance, qui l’aimerait sincèrement, noblement, comme elle le mériterait !… Pourquoi ne l’épouserait-elle pas ? La triste fatalité qui semble avoir présidé à chacune de mes actions, les avoir empoisonnées toutes, devait-