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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/31

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D’UNE FEMME DU MONDE.

— Tu ne devines pas ! Je ne sais vraiment pas ce que les bonnes sœurs t’ont fait, mais tu as la compréhension singulièrement pénible ! Ce qui me séduit dans le mariage ? Mais c’est que je vais être libre, grosse bête !…

— libre ? Comment cela, Libre ?

— Mais oui, libre.

— J’avais toujours entendu dire que le mariage était plutôt…

— Une servitude !

— Non, mais…

— Aujourd’hui, c’est La liberté. La liberté de tout voir, de tout entendre, de tout dire, de tout faire, d’aller au théâtre, de lire tous les romans, de connaître les endroits où l’on s’amuse. La liberté de vivre enfin !… Car ce n’est pas une vie que nous menons, pauvres jeunes filles qui nous étiolons, sans air, sans soleil, à l’ombre des murailles humides d’un manoir ancestral !… Si, comme moi, tu avais lu Balzac — Gaston me l’a prêté — tu saurais qu’il y a tout autour de nous un monde qui s’agite, se remue, se démène, et tu serais curieuse de le connaître. Tiens, les cocottes, par exemple…

— Jacqueline ! je t’en prie. Fais attention à ce que tu dis.