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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/316

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LE JOURNAL.

un rayon de soleil ; elle les montre du bout de son petit doigt rose, veut courir après, se baisse pour cueillir une fleurette, la porte à sa bouche, et tout à coup elle part d’un éclat de rire, fait un faux pas et tombe.

Madame Grandidier s’est arrêtée.

— Voyons, Raymonde, soyez raisonnable. Quel méchant petit démon vous faites !… Tu vas encore te fatiguer, mon trésor ! D’ailleurs rien ne nous presse, il fait bon, asseyons-nous un peu.

Sur le tapis de mousse, à l’ombre d’un gros chêne, elle s’assied. Le baby, très gravement, en fait autant, à côté d’elle.

Alors, Raymonde Grandidier se souvient que c’est à cette place, à cette même place — il y a longtemps, le lendemain de sa sortie du couvent et de son arrivée à Clovers — qu’elle surprit un écureuil. Le petit animal jouait sur l’herbe, sa queue fauve relevée en panache ; en l’apercevant, il se dressa sur son séant, découvrit son gilet blanc, s’élança sur un sapin, sur ce sapin, là, et disparut, en gloussant, dans la ramure épaisse…

À cette pensée, tout un flot de souvenirs lointains lui revient à la mémoire. Elle se revoit jeune fille. Elle se rappelle ses débuts